Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous ne savons sur le siège de Troie, sur Agamemnon, Achille ou Hector.

Les légendes, dans le champ de l’histoire politique, ne peuvent que comme produits d’une même faculté se comparer à celles qui croissent dans le champ théologique. Les premières sont toujours inférieures à la réalité qu’elles masquent, et on ne leur pardonne que quand elles sont l’occasion de quelque magnifique épopée comme les chants d’Homère. Les secondes valent mieux que la réalité, ou plutôt sont la réalité par excellence, puisque ce sont elles qui portent imprimés sur leur front les mobiles puissants et les causes de la transformation. Toujours et partout l’imagination a une part nécessaire, et l’on se méprendrait sur la constitution même de l’esprit humain, dont elle constitue un élément essentiel, si on la supposait jamais absente. Dans les sciences mêmes les plus positives du temps présent, elle joue son rôle que rien ne peut remplacer et sans lequel la généralité scientifique ne pourrait se produire. Qu’est-ce présentement que les théories qui nous satisfont le plus, sinon des créations de l’imagination établissant des manières d’être en tout ce qui est reculé loin de nos yeux, en ce qu’aucune démonstration n’atteindra jamais ? Qu’est-ce que l’attraction, et qui sait ou saura jamais si les corps s’attirent l’un l’autre ? Qu’est-ce que les atomes de la chimie ? qui les a vus ou les verra jamais ? Dans tous ces cas, quand l’observation et l’expérience ont fait défaut, et qu’il a fallu cependant combler la lacune, l’imagination est intervenue, mais soumise à une condition, c’est que ce qu’elle allait proposer ne serait en désaccord avec aucun des faits particuliers. Cela accepté, tout ensuite est mythe, dans le véritable sens du mot : une conception idéale, mais renfermant une