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dans l’empire[1]. C’est, à la vérité, ce que disent positivement des écrivains chrétiens postérieurs[2] ; or, non seulement leurs assertions sont suspectes, parce qu’elles sont dépourvues de tous témoignages anciens[3], mais encore elles sont réfutées par ce fait que, longtemps après encore, une égale répartition de l’impôt manquait dans l’empire[4] ; enfin les propres expressions des écrivains chrétiens prouvent que leur témoignage dépend de celui de Luc[5]. Du moins, dit-on, Auguste a tenté, à l’aide d’un recensement général, d’imposer régulièrement tout l’empire ; il a commencé, en faisant recenser des provinces isolées, l’exécution de ce projet, dont la continuation et l’achèvement ont été laissés à ses successeurs[6]. Mais, en supposant que l’expression dont s’est servi l’évangéliste, décret, δόγμα, pût s’entendre d’un simple projet, ou que ce projet, encore indéterminé, eût été, comme Hoffmann le pense, énoncé dans un décret, toujours est-il qu’au temps de la naissance de Jésus, un recensement romain était impossible dans la Judée.

Non seulement, d’après Matthieu, Jésus est né quelque temps avant la mort d’Hérode le Grand, puisqu’il est dit (2, 19), que Hérode ne mourut que pendant le séjour de Jésus en Égypte ; mais encore Luc, sans dire expressément que Jésus est né sous Hérode le Grand, prend, là où il annonce la naissance de Jean-Baptiste (1, 5), son point de

  1. Tholuck, S. 194 ff. : Neander, S. 19.
  2. Cassiodor, Variarum, 3, 52 ; Isidor., Orig. 5, 36.
  3. C’est faire preuve d’une extrême négligence que d’invoquer ici le monument d’Ancyre, qui contient, dit-on (Osiander, S. 95), un recensement de tout l’empire pour l’an de Rome 746 ; car, en examinant cette inscription, on ne trouve sur la seconde table que trois recensements des citoyens romains, census civium romanorum. Suétone (Octav. 27) les désigne aussi comme recensements du peuple, census populi ; et Dion Cassius, 55, 13, représente expressément l’un de ces recensements comme comprenant les habitants de l’Italie, ἀπογραφὴ τῶν ἐν τῇ Ἰταλίᾳ κατοικούντων. Comparez aussi Ideler, Chronol. 2, S. 339.
  4. C’est ce qu’a prouvé Savigny lui-même, Zeitschrift für geschichtliche Rechtswissenschaft, 6. Bd., S. 350 f.
  5. Dans le prétendu passage décisif de Suidas, on trouve les mots empruntés à Luc : αὕτη ἡ ἀπογραφὴ πρώτη ἐγένετο.
  6. Hoffmann, S. 231.