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explications mythiques laissent passer comme historique, à savoir, la visite de Marie à Elizabeth enceinte. En effet, nous connaissons déjà la tendance principale du premier chapitre de Luc : le but en est de glorifier Jésus en rapportant, aussitôt que possible, l’existence de Jean-Baptiste à la sienne, mais dans un rang subordonné. Le meilleur moyen d’atteindre ce but était de rapprocher, sinon d’abord les fils, au moins les mères elles-mêmes ; ce rapprochement devait être relatif aux enfants, et par conséquent s’accomplir pendant la grossesse des deux femmes ; il fallait aussi que cette entrevue donnât lieu à quelque incident qui pût être le symbole significatif des relations futures de ces deux hommes. Donc, plus il est visible que l’intérêt dogmatique de la tradition est le fondement de cette visite, plus il est invraisemblable qu’elle ait rien d’historique. Autour de ce trait principal se rangent les autres particularités de la manière suivante : en disant qu’Elizabeth est parente, συγγενής, de Marie (v. 36), la légende a su rendre l’entrevue des deux femmes possible et vraisemblable ; cette parenté semblait convenable aussi en raison des relations ultérieures qu’eurent leurs fils. Pour que l’importante visite se fît à cette époque, il fallait une indication spéciale et venue d’en haut : aussi est-ce l’ange qui adresse Marie à sa parente. Dans la visite même, la position future de Jean-Baptiste à l’égard de Jésus, position d’infériorité et de service, devait être exprimée par un présage ; la mère elle-même pouvait s’en rendre l’organe, comme elle le fit en effet dans son allocution à Marie ; mais il fallait, s’il était possible, que l’enfant destiné à être Jean-Baptiste donnât lui-même un signe : c’est ainsi que les rapports de Jacob et d’Ésaü furent préfigurés par leur mouvement et leur position dans le sein de leur mère (1 Mos., 25, 22, seq.). Mais, si l’on ne voulait pas trop choquer les règles de la vraisemblance, un mouvement significatif ne pouvait être attribué à l’enfant que portait Eli-