Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/294

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

deux fils ont été reportées dans les discours des deux femmes, et qu’en outre plusieurs traits empruntés à la légende y ont été incorporés ; que cependant un fait réel est au fond du récit, à savoir, une visite véritable de Marie à Elizabeth, leur conversation pleine de satisfaction, et leurs remerciements à Dieu ; que tout cela a pu se passer sans que les deux femmes sussent rien alors de la destination extraordinaire de leurs enfants, et uniquement en vertu du haut prix que les femmes de l’Orient attachent aux joies de la maternité. Il est possible, continue l’anonyme E. F., que Marie, quand elle vint plus tard à réfléchir sur la vie remarquable de son fils, ait souvent fait le récit de cette visite, qui lui avait causé tant de plaisir, et répété les expressions de sa reconnaissance envers Dieu ; et c’est de cette façon que fut mise en circulation la narration recueillie par l’évangéliste dans son histoire.

Horst même, qui a saisi ordinairement avec une grande justesse de coup d’œil le caractère poétique de ces chapitres et qui en réfute fort bien l’explication naturelle, s’y laisse, à son insu, retomber à demi, quand il dit qu’il n’y a rien d’invraisemblable à ce que Marie ait visité sa parente, plus âgée et plus expérimentée, pendant sa grossesse pénible à beaucoup d’égards, et qu’Elizabeth ait, durant cette visite, ressenti le premier signe de la vie de son enfant ; particularité qui, ayant été regardée plus tard comme un présage, a bien pu être conservée par la tradition orale[1].

C’est encore ici la même absence de critique ; c’est croire qu’on a séparé dans un récit l’élément mythique et poétique, quand on a détaché quelques rameaux, quelques fleurs de cette plante, tout en en respectant la vraie racine mythique qu’on laisse s’enfoncer dans le sol historique. Cette racine mythique, qui porte tout le reste, est, dans notre récit, justement la particularité que ces auteurs de prétendues

  1. Dans Henke’s Museum, 1, 4, S. 725.