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l’esprit humain, est mobile, susceptible de variations successives. Eh bien, dans ces trois phases, ce qui se montre, ce qui en fait le sens intime et durable pour toutes les générations destinées à lire les vénérables pages de l’histoire, c’est la mutation progressive de l’esprit humain vers un état meilleur. Il s’éclaire, il se règle, les choses suprêmes pénètrent en lui, et son idéal croît constamment en clarté, en beauté, en sainteté.

Ce n’est pas seulement dans le domaine religieux que le sentiment et l’inspiration, toujours, il est vrai, déterminés par les conditions antécédentes et présentes, ont prodigué les récits sacrés ; mais aussi, sur le terrain de l’histoire politique, le mythe ou la légende, comme on voudra l’appeler, s’est produite avec profusion. L’exemple que je veux citer, je n’irai pas le chercher dans les origines obscures des anciennes nations, origines qui sont toutes imprégnées de surnaturel et où les théologies jouent un rôle principal ; mais je le prendrai à une époque pleinement historique. Le grand empereur de l’Occident, Charlemagne, ne fut pas plutôt disparu du milieu qu’il avait captivé par ses guerres, par ses victoires, par sa puissance, par ses luttes contre les infidèles, que l’esprit belliqueux et chrétien des âges qui suivirent, s’inquiétant peu des faits réels, broda une légende merveilleuse. Tout se transfigura sous cette élaboration populaire et poétique ; comme les narrations positives des chroniques contemporaines avaient peu de cours dans les temps troublés qui virent disparaître la deuxième race et s’élever la troisième, la chronique fabuleuse prit place dans les récits sérieux ; et, si les documents vrais avaient été détruits par un accident quelconque, nous ne saurions rien de plus certain sur Charlemagne que