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frères, mais il sanctifiait toute naissance qui, pour la même mère, n’était précédée d’aucune autre : et le mot premier-né, πρωτότοκος, se prête nécessairement aussi à cette acception. Sans doute, et c’est une objection de Winer[1], si le narrateur, qui voit devant lui l’histoire terminée, emploie ce mot, on est tenté de le prendre dans son sens primitif ; car, s’il avait voulu exclure des enfants subséquents, il se serait servi du mot fils unique, μονογενής, ou il l’aurait joint au mot premier-né. Quoi qu’il en soit, ces raisonnements laissent la question indécise au sujet du mot premier-né, πρωτότοκος ; mais il n’en est pas de même des remarques de Fritzsche sur l’expression jusqu’à ἕως οὗ. Il réfute les textes dont on arguë pour autoriser l’explication que les Pères de l’Église ont donnée de cette expression, et il montre que, d’après le sens immédiat, elle n’affirme une chose que jusqu’à une certaine limite, suppose, à partir de cette limite, le contraire logique de cette chose, et ne perd cette dernière signification que lorsque le contexte montre évidemment l’impossibilité de ce contraire[2]. Par exemple, s’il y avait : il ne la connut pas jusqu’à ce qu’il mourut, οὐκ ἐγίνωσκεν αὐτὴν ἕως οὗ ἀπέθανεν, il serait clair que la négation durant le temps écoulé jusqu’à la mort ne peut se transformer, après la mort, en affirmation ; mais quand il y a, comme dans Matthieu, il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle fut accouchée, οὐκ ἐγίνωσκεν αὐτὴν, ἕως οὗ ἔτεκεν, l’enfantement du fruit divin ne met aucune impossibilité à l’établissement de relations conjugales, au contraire il les rend possibles, c’est-à-dire convenables[3].

  1. Biblisches Realwörterbuch, 2te Auflage, 1. Bd., S. 664, Anm. De Wette, sur ce passage ; Neander, L. J. Ch., S. 34.
  2. Comment. in Matth., p. 53 ; comparez aussi p. 835.
  3. L’exemple imaginé par Olshausen, S. 62, pour soutenir son explication de ἕως οὗ, est particulièrement mal choisi ; car lorsqu’on dit : Nous attendîmes jusqu’à minuit, mais personne ne vint, il ne suit pas nécessairement de ces expressions que quelqu’un vint après minuit ; mais ce qui s’ensuit, c’est que nous n’avons pas attendu passé minuit ; de sorte que la locution jusqu’à conserve ici encore sa signification d’exclusion.