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Luc, 8, 19) il est parlé des frères de Jésus, ἀδελφοῖς Ἰησοῦ. Fritzsche en conséquence a dit : « Lubentissime post Jesu natales Mariam concessit Matthæus (Luc en a fait autant) uxorem Josepho, in hoc uno occupatus, ne quis ante Jesu primordia mutua venere usos suspicaretur. » Mais, à la longue, cela ne suffit plus aux orthodoxes, à mesure que s’accrut l’adoration de Marie, dont le corps, fécondé par l’opération divine, ne devait plus être profané par des rapports qui appartiennent au reste de l’humanité[1]. De bonne heure l’opinion que Marie, après la naissance de Jésus, avait eu des relations conjugales avec Joseph, rentra dans la catégorie des opinions hérétiques[2] ; et les Pères orthodoxes cherchèrent de toutes les façons à y échapper et à la combattre. En exégèse, on imagina que les mots jusqu’à, ἕως οὗ, affirmaient ou niaient quelque chose, non pas seulement jusqu’au terme indiqué, mais quelquefois au delà de ce terme et pour toujours ; de sorte que la phrase il ne la connut pas jusqu’à ce qu’elle mit au monde, etc., καὶ οὐκ ἐγίνωσκεν αὐτὴν, ἕως οὗ ἔτεκε, κτλ., excluait pour toujours toute communauté conjugale entre Joseph et Marie[3]. De la même façon, au sujet du mot premier-né, πρωτότοκος, on argua que ce mot ne supposait pas nécessairement la naissance postérieure d’autres enfants, mais qu’il excluait seulement toute naissance antérieure[4]. De plus, pour écarter non seulement grammaticalement, mais encore physiologiquement, la pensée de communications conjugales entre Marie et Joseph, on fit de ce dernier un vieillard décrépit à qui Marie n’avait été remise que pour qu’il la surveillât

  1. Voyez Origène, in Matth., opp. ed. de la Rue, vol. 3, p. 463.
  2. L’arien Eunomius enseignait, d’après Photius, que Joseph, après l’enfantement ineffable, avait eu commerce avec la Vierge, τὸν Ἰωσὴφ μετὰ τὴν ἄφραστον κυοφορίαν συνάπτεσθαι τῇ παρθένῳ. C’était aussi, d’après Épiphane, la doctrine de ceux qu’il appelle Dimœrites et Antidicomarianites, et, d’après saint Augustin, des Helvidiens. Comparez, sur ce point, la collection de Suicer, dans le Thesaurus, 2, v. Μαρία, fol. 305 et seq.
  3. Comparez Théophylacte et Suidas dans Suicer, 1, v. ἕως, f. 1294 et seq.
  4. Hieron. sur ce passage.