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Caucase et son long supplice, auquel met enfin un terme le fils de Jupiter, verra que là se trouvent des idées d’homme et de délivrance qui ne sont pas sans analogie avec celles que la nation juive se faisait de son Messie.

Il n’y aurait qu’une philosophie superficielle qui traiterait avec dédain les essais les plus rudimentaires de l’esprit de religion, même dans le fétichisme ; il n’y aurait qu’une philosophie sectaire qui traiterait avec horreur ces premiers essais. Ils ne méritent ni dédain ni horreur ; loin de là, ils excitent une véritable admiration, comme l’excite tout ce qui arrive à sa fin par des voies spontanées. Une eau courante trouve naturellement sa pente vers les mers les plus lointaines, de même l’homme, dans les époques primitives de dénûment intellectuel et matériel, trouva sa pente vers la civilisation.

La signification interne de ces créations religieuses, qui ne fut jamais nulle ni stérile, ne s’est non plus jamais perdue ; et la critique la plus rigoureusement conduite, si elle est conduite dans le sens véritablement historique et non dans un sens révolutionnaire ou rétrograde, ne manque pas de la mettre en lumière. En effet cette signification est profondément historique, notant l’ascendant graduel de l’humanité sur l’homme individuel. Trois moments jusqu’à présent (car un quatrième commence avec la conception religieuse du développement humain), trois moments se partagent le vaste espace des âges écoulés : ce sont le fétichisme, le polythéisme et le monothéisme. Deux termes sont toujours le fondement de ces conceptions : l’homme et ce qui n’est pas lui, ce qui l’a enfanté, ce qui le domine. Un de ces termes, le monde, est immobile, se présentant toujours le même ; l’autre,