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§ XXVIII.


Explication naturelle de l’histoire de la conception.

D’après ce qui vient d’être dit, l’explication surnaturelle de la conception est sujette à d’extrêmes difficultés tirées aussi bien de la philosophie que de l’exégèse. C’est donc la peine d’examiner si une autre explication ne réussirait pas à lever ces difficultés : aussi a-t-on essayé d’expliquer naturellement tantôt l’un ou l’autre récit évangélique, tantôt tous les deux.

D’abord le récit de Matthieu parut se prêter à une telle interprétation : on prouva, à l’aide de nombreux passages rabbiniques, que, suivant les idées juives, le fils de parents pieux est engendré avec la coopération de l’Esprit-Saint, et en est dit le fils, sans que l’on ait songé à exclure, par ces expressions, la participation d’un père à la conception. En conséquence, le chapitre de Matthieu, a-t-on dit, ne contient rien de plus que ce qui suit : l’ange a voulu dire à Joseph, non que Marie était devenue enceinte sans la coopération de l’homme, mais seulement que, malgré sa grossesse, il fallait la considérer comme pure et exempte de souillure. C’est dans Luc d’abord, continue-t-on, que, l’idée primitive ayant été forcée, les mots : je ne connais pas d’homme, ἄνδρα οὐ γινώσκω, ont été pris comme excluant toute participation paternelle[1]. Il fut objecté avec raison par les adversaires, que, même dans Matthieu (1, 18), les mots avant leur union, πρὶν ἢ συνελθεῖν αὐτούς, excluaient positivement le seul homme dont il fût question, à savoir, Joseph. On crut trouver cette exclusion moins positive dans l’évangile de Luc, mais ce ne fut qu’en bouleversant le sens clair des mots, contrairement à l’exégèse, ou en frappant

  1. Br… Le récit d’après lequel Jésus est représenté comme né par le Saint-Esprit et d’une vierge, expliqué d’après les idées du temps, dans Schmidt’s Bibl., 1. 1, S. 101 ff. — Horst, dans Henke’s Museum, 1, 4, 497 ff., sur les deux premiers chapitres dans l’évangile de Luc.