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et marchant l’une à côté de l’autre[1]. Quant à l’autre différence, on ne peut pas prouver davantage que l’opinion nazaréenne de Christ ne se soit que plus tard réduite à l’opinion ébionite[2] ; car les renseignements, en partie confus[3], en partie tardifs, dus aux écrivains ecclésiastiques, s’expliquent naturellement par l’illusion optique de l’Église, qui, faisant de continuels progrès dans la glorification de Christ, tandis qu’une partie des judéo-chrétiens était stationnaire, voyait les choses, comme si, elle étant immobile, les autres reculaient vers l’hérésie.

Par cette distinction d’Ébionites simples et d’Ébionites philosophant, on gagne un point : c’est que l’absence des généalogies, chez les derniers, ceux dont parle Épiphane, ne prouve pas quelles aient aussi manqué aux autres. Et elle le prouvera encore moins, si nous sommes en état de rendre vraisemblable que les motifs de leur aversion pour ces arbres généalogiques gisaient dans ce qui les séparait proprement des Ébionites simples. Or, un de ces motifs était évidemment l’opinion défavorable que les Ébionites d’Épiphane et des Homélies Clémentines, avaient de David, dont la généalogie de notre premier évangile fait descendre Jésus. Ils distinguaient, on le sait, dans l’Ancien Testament, une double prophétie, l’une mâle, l’autre femelle ; l’une pure, l’autre impure ; la première n’annonçant que des choses divines et vraies ; la seconde, des choses terrestres et fausses ; la première venant d’Adam et d’Abel ; la seconde d’Ève et de Caïn, et toutes deux se suivant dans toute l’histoire de

  1. Avec Neander, l. c., et Schneckenburger, über einen hæufig übersehenen Punkt in der Lehre der Ebioniten von der Person Christi, Tübinger Zeitschrift, f. Theol., 1830, 1, 114. — La première opinion est celle de Gieseler, über Nazaræer und Ebioniten, dans Stæudlin’s und Tzschirner’s Archiv für K. G. 4. Bd., et de Credner, l. c.
  2. Comme Hoffmann essaie de le prouver, S. 198.
  3. J’entends les renseignements d’Hégésippe dans Eusèbe, H. E., 4. 22. Il est faux, comme Hoffmann le soutient, qu’Épiphane, Hæres., 30, 1, oppose les Ébionites aux Nazaréens, en tant que secte plus récente ; il en fait l’origine contemporaine, Hæres., 29, 7 ; 30, 2.