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Jean-Baptiste, on pourrait entendre, par les généalogies, γενεαλογίαις, qu’ils auraient supprimées, l’histoire de la naissance et de l’enfance, contenues dans les deux premiers chapitres de notre Matthieu ; car, rejetant la conception de Jésus sans père, ils n’ont pas dû adopter ces deux chapitres, au moins dans la forme qu’ils ont aujourd’hui ; et il serait possible de croire qu’il ne manquait à leur évangile que ces deux chapitres contraires à leur manière de voir, et que les arbres généalogiques conformes à leurs dogmes avaient été insérés quelque part ailleurs. Mais cette explication n’est pas admissible : car Épiphane, parlant des Nazaréens, et disant qu’il ne sait pas si les généalogies leur ont manqué oui ou non, caractérise ces pièces en rapportant qu’elles allaient d’Abraham jusqu’au Christ, τὰς ἀπὸ τοῦ Ἀϐραὰμ ἕως Χριστοῦ[1] : par conséquent, lorsqu’il dit que les généalogies manquaient à quelques hérétiques, il entend évidemment les arbres généalogiques, bien que, en appliquant cette expression aux Ébionites, il y comprenne aussi l’histoire de la naissance.

Comment donc se fait-il que l’on ne trouve pas les généalogies, justement chez la secte chrétienne où nous pensions devoir en chercher l’origine ? et comment nous expliquer ce fait singulier ? Un érudit a récemment émis la conjecture que les judéo-chrétiens ont supprimé, par prudence, les arbres généalogiques pour ne pas faciliter et augmenter les persécutions qui menaçaient, sous Domitien, et peut-être auparavant, la famille de David[2]. Mais des explications prises en dehors du sujet et dans des circonstances accidentelles qui sont même soumises au doute de la critique historique, ne devraient être invoquées que lorsqu’il est tout à fait impossible de trouver une explication dans la chose même.

Les choses dans notre cas ne sont pas aussi désespérées.

  1. Epiphan., Hæres., 29, 9.
  2. Credner, dans Beitræge zur Einleitung in das N. T., 1, S. 443, Anm.