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l’évangéliste parle de Marie et de Joseph comme de ses parents, γονεῖς (Luc, 2, 41), ce qui ne peut avoir été pris que dans un sens général par un narrateur venant de faire le récit de la conception miraculeuse ; mais encore tous ses contemporains, au dire de nos évangiles, le regardaient comme fils de Joseph, et plusieurs fois cette naissance lui a été reprochée en sa présence avec des termes de mépris (Matthieu, 13, 55 ; Luc, 4, 22 ; Joh., 6, 42). De tels reproches lui auraient donné une occasion décisive pour invoquer sa conception miraculeuse, et cependant il n’en dit pas un mot. Si l’on objecte qu’il ne voulait pas persuader de la divinité de sa personne par ce moyen tout extérieur, et qu’il ne pouvait s’en promettre aucun effet auprès de ceux dont les dispositions intérieures lui étaient contraires, il faut observer que, d’après le quatrième évangile, ses propres disciples, tout en lui donnant la qualité de fils de Dieu, le regardaient cependant comme le véritable fils de Joseph ; car Philippe le présente à Nathanael comme Jésus, fils de Joseph, Ἰησοῦν τὸν υἱὸν Ἰωσὴφ (Joh., 1, 46), évidemment dans le même sens de paternité propre que celui que les Juifs attachaient à cette désignation ; et nulle part on ne lit que ce fût là une opinion ou erronée ou incomplète dont les apôtres durent se défaire plus tard ; loin de là, le contexte de la narration signifie incontestablement que les apôtres possèdent dès lors la vraie croyance. La supposition énigmatique avec laquelle, aux noces de Cana, Marie se tourna vers Jésus[1] est trop indéterminée pour prouver que la mère se souvient de la naissance surnaturelle de son fils ; en tout cas, ce trait est contrebalancé par un fait opposé, c’est que la famille de Jésus, et, comme il semble d’après Matthieu, 12, 46, comp. avec Marc, 3, 21, sa mère même se méprirent plus tard sur ses efforts. Or, avec de tels souvenirs, cela serait à peine explicable, même chez ses frères.

  1. Relevé par Neander, L. J. Ch., S. 12.