Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à faire un traité avec l’Assyrie par crainte des rois de Syrie et d’Israël, le prophète veut lui donner une vive assurance de la prochaine destruction de ces ennemis, alors si redoutés, et il lui dit : Suppose qu’une femme non encore mariée, et qui, pour la première fois, ait, en ce moment, des rapports conjugaux[1], conçoive un enfant, ou en d’autres termes : Une jeune femme désignée (peut-être celle du prophète même) est déjà grosse ou le va devenir ; d’aujourd’hui au moment de la naissance de son enfant, les circonstances politiques se seront tellement améliorées, qu’on pourra lui donner un nom de bon augure ; et, avant que l’enfant soit parvenu à l’âge de discernement, les puissances ennemies seront complètement anéanties. Ce qui veut dire en prose : Avant que neuf mois se soient écoulés, la situation du royaume sera déjà meilleure, et dans l’intervalle de trois ans environ le danger aura disparu. Toujours est-il (c’est un point porté jusqu’à l’évidence par la critique moderne) que, dans les circonstances qui furent l’occasion de la prophétie d’Isaïe, un signe pris au moment actuel et à un avenir très prochain pouvait seul avoir un sens. Combien, d’après l’interprétation de Hengstenberg, le langage du prophète serait mal approprié aux choses ! Autant il est certain, dit ce théologien[2], qu’un jour le Messie sera engendré d’une vierge parmi le peuple de l’alliance, autant il est impossible que le peuple au sein duquel il doit naître, et la famille dont il doit descendre périssent sans retour. Quel mauvais calcul de la part du prophète de vouloir rendre l’invraisemblance du prochain salut, vraisemblable à

    briet, Ueber die Geburt des Immanuel durch eine Jungfrau, in Ullmann’s und seinen theol. Studien, 1830, 3. Heft, S. 541 ff.

  1. Avec cette explication, le débat sur la signification du mot עלמח perd son importance. Au reste, on pourrait le décider en disant que ce mot signifie, non la jeune fille intacte, mais la jeune fille nubile. (Voyez Gesenius, l. c., 2, a, S. 297 f.). Dès le temps de Justin les Juifs soutenaient que עלמח devait se traduire, non par vierge, παρθένος, mais par jeune fille, νεᾶνις. Dial. c. Tryph., n. 43, p. 137 E, de l’édition citée.
  2. Christologie des A. T., 1, b, S. 47.