Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

l’apparition de l’ange qui, suivant un évangile, se montre avant toute chose à Marie, et, suivant l’autre, ne se montre à Joseph qu’après la grossesse établie, il n’y faut voir qu’une variation soit de la légende, soit de la refonte des récits évangéliques ; variation qui, dans l’histoire de l’annonciation d’Isaac, a une analogie qui l’explique. Jéhovah (1 Mos., 17, 15 seq.) annonce à Abraham qu’il aura un fils de Sara, sur quoi celui-ci ne peut pas s’empêcher de rire ; mais il reçoit une seconde fois la même assurance. Jéhovah (18, 1 seq.) donne cette promesse sous le térébenthinier à Mambré, et Sara en rit comme de quelque chose de nouveau pour elle, et dont elle n’a pas entendu parler. Enfin (21, 5 seq.) Sara, pour la première fois, parle, après la naissance d’Isaac, du rire des gens qui doit faire donner ce nom à l’enfant ; dernier récit qui ne suppose pas les deux premiers récits[1]. Ainsi la naissance d’Isaac fut le sujet de diverses légendes ou fictions qui se formèrent sans connexion mutuelle, les unes plus simples, les autres plus ornées. Il en est de même des deux récits discordants sur la naissance de Jésus. Le récit de Matthieu[2] est plus simple et rédigé avec plus de rudesse ; car il n’évite pas de jeter, ne serait-ce que dans

    Luc, 1, 30. Et l’ange lui dit : Tu concevras un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus. Celui-ci sera… Καὶ εἶπεν ὁ ἄγγελος αὐτῇ· καὶ ἰδοὺ συλλήψῃ ἐν γαστρὶ καὶ τέξῃ υἱόν, καὶ καλέσεις τὸ ὄνομα αὐτοῦ Ἰησοῦν. Οὗτος ἔσται…

  1. De Wette, Kritik der mos. Geschichte, S. 86 f.
  2. Le rêve qui, d’après Matthieu, dissipa les doutes et les inquiétudes de Joseph, a encore une sorte de modèle dans la tradition juive, telle qu’elle est déjà consignée dans l’historien Josèphe, touchant un rêve que le père de Moïse eut dans des circonstances analogues. Son inquiétude, à lui, provenait, non de soupçons contre sa femme, mais du danger que courait son enfant en raison de l’ordre de mort prononcé par le Pharaon. « Amaramès, homme de bonne naissance parmi les Hébreux, dit Josèphe, Antiq., 2, 9, 3, craignant pour tout le peuple, qui était menacé de périr par la destruction des enfants, et inquiet pour lui-même à cause de la grossesse actuelle de sa femme, ne savait quel parti prendre. Dans son désespoir, il invoque la protection de Dieu… Dieu, en ayant eu pitié, se présente à lui pendant le sommeil, et l’exhorte à ne pas désespérer de l’avenir… Car cet enfant qui va naître délivrera la race des Hébreux de la servitude en Égypte, et se fera, parmi les hommes, un nom qui durera autant que l’univers. »