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et les compléter l’un par l’autre. Concluons donc que la conciliation est impossible et que leurs récits s’excluent. Il ne faut pas croire que l’ange s’est montré d’abord à Marie, puis à Joseph, mais il faut croire qu’il n’a apparu qu’à l’un des deux ; en conséquence, c’est seulement l’une ou l’autre des relations qui peut être considérée comme historique. À ce terme, on pourrait vouloir se décider pour l’une ou l’autre des relations d’après différentes considérations ; on pourrait trouver plus vraisemblable, au point de vue du rationalisme, le récit de Matthieu, parce que l’apparition de l’ange dans un songe est plus aisément susceptible d’une explication naturelle ; au point de vue du supranaturalisme, le récit de Luc, parce que le soupçon contre la Sainte Vierge y est écarté d’une manière plus digne de Dieu. Mais, à vrai dire, aucune des deux relations, à cet égard, n’a d’avantage essentiel. Toutes deux contiennent l’apparition d’un ange ; elles sont donc pressées de toutes les difficultés qui empêchent de croire à l’existence des anges et à leur apparition, d’après les raisons exposées plus haut lors de l’annonciation de la naissance de Jean-Baptiste ; dans toutes deux, la teneur du message angélique est, comme nous allons bientôt le voir, une impossibilité. Ainsi il ne reste plus aucun signe distinctif qui permette de rejeter l’une des relations et de conserver l’autre ; et, de toute nécessité, nous sommes, pour l’une et pour l’autre, rejetés sur le terrain mythique.

Sur ce terrain aussi disparaissent d’elles-mêmes les différentes explications que des théologiens, et surtout les auteurs d’explications naturelles, ont essayé de donner des deux apparitions angéliques. Paulus regarde l’apparition dans Matthieu comme un songe naturel produit par la communication que Marie lui avait faite de l’avis reçu par elle, et il assure que Joseph a dû certainement en être instruit ; car autrement on ne comprendrait pas comment, dans son