Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’abord, ici, c’est supposer au voyage de Marie un objet qui y est étranger dans le récit de Luc. Non pour demander conseil, mais pour s’assurer du signe donné par l’ange, Marie se rend auprès d’Élizabeth ; nulle inquiétude que l’amie doive calmer ne s’exprime par les discours de Marie à la mère future du précurseur, mais une joie orgueilleuse et que rien ne trouble. D’ailleurs un aveu si tardif ne peut justifier Marie. Est-ce la conduite d’une fiancée que de faire un voyage de plusieurs lieues après une révélation divine qui touchait le fiancé de si près et dans une affaire aussi délicate, de s’absenter pendant trois mois, et de faire insinuer par des tiers au fiancé ce qui ne pouvait plus se cacher ?

Celui qui ne veut pas admettre que Marie ait agi comme certainement nos évangélistes ne supposent pas qu’elle ait agi, celui-là doit admettre sans hésitation qu’elle communiqua à son fiancé le message aussitôt après l’avoir reçu, et que ce dernier ne lui accorda aucune créance[1]. Mais alors qu’on voie comment on se rendra compte du caractère de Joseph ! Hess est aussi d’opinion que Joseph, devant connaître Marie, n’aurait eu aucune raison de douter de son assertion, si elle l’avait instruit de l’apparition. Cependant, s’il a douté, ce soupçon paraît supposer une défiance à l’égard de sa fiancée, défiance peu compatible avec son caractère d’homme juste, ἀνὴρ δίκαιος, Matth., 1, 19, et une incrédulité pour le merveilleux qui n’est guère conciliable avec sa disposition ordinaire à recevoir des apparitions angéliques ; et, dans tous les cas, lors de l’apparition qu’il eut à son tour plus tard, cette incrédulité ne serait pas restée sans reproche.

Nos évangélistes ont voulu évidemment dépeindre le caractère de Joseph et de Marie comme exempt de tache ; or, inévitablement on arrive à des conséquences qui contredisent leurs intentions, si l’on veut faire concorder leurs récits

  1. Neander penche vers cette opinion, L. J. Ch. S. 18.