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tradiction réciproque[1]. Toutes deux ne peuvent pas être vraies à la fois, cela est maintenant certain ; s’il fallait choisir, peut-être croirait-on pouvoir considérer plutôt comme historique celle de Luc. D’abord il n’y règne pas le même arbitraire dans l’arrangement de nombres et de périodes égales ; et, tandis que pour la période de David à Jéchonias les vingt générations de Luc ne sont pas plus éloignées de la vraisemblance que Matthieu avec son omission de quatre membres ne l’est de la vérité historique, il est vrai que pour la période de Jéchonias, né 617 ans avant l’ère chrétienne jusqu’à Jésus, vingt-deux générations, chacune à 27 ans et demi, telles que Luc les donne, conviennent mieux à la nature des choses, et en particulier de l’Orient, que les treize de Matthieu, chacune à 46 ans. De plus, on y voit une moindre tendance à glorifier son sujet, l’auteur se contentant de faire descendre Jésus de David et ne le rattachant pas à la ligne royale elle-même. D’un autre côté, en sens inverse, la conservation d’un arbre généalogique dans la ligne moins importante de Nathani paraîtra moins vraisemblable que dans la ligne royale, et la répétition fréquente des mêmes noms, d’après la juste remarque de Hoffmann, semble démontrer que la généalogie de Luc est fabriquée.

Mais, dans le fait, l’une n’a aucun avantage sur l’autre, et, si l’une a pu se former par une voie non historique, l’autre l’a pu également, d’autant plus qu’il est très invraisemblable qu’après les perturbations de l’Exil et des temps qui suivirent, l’obscure famille de Joseph eût conservé des généalogies qui remontassent si haut[2]. Donc, reconnaissant dans toutes deux de libres créations en tant qu’elles

  1. Tels sont Eichhorn, Einleitung in das N. T., 1. Bd., S. 425 ; Kaiser, Bibl. Theol., 1, S. 232 ; Wegscheider, Institut., § 123, not. d. ; De Wette, Bibl. Dogm., § 279, et Exeget. Handbuch, 1, 2, S. 32 ; Winer, Bibl. Realwörterbuch, 1, S. 660 ; Hase, Leben Jesu, § 33 ; Fritzsche, Comm. in Matth., p. 35 ; Ammon, Fortbildung des Christenthums zur Weltreligion, 1, S. 196.
  2. Voyez Winer, l. c., S. 660.