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l’autre de ces généalogies, car elles s’annoncent d’une manière trop précise comme appartenant exclusivement à Joseph, l’une par ces mots : Jacob engendra Joseph, Ἰακὼϐ ἐγέννησε τὸν Ἰωσήφ, l’autre par ces mots : fils de Joseph, fils d’Éli, υἱὸς Ἰωσὴφ τοῦ Ἠλί. Cependant encore ici, le mot de Matthieu engendra, ἐγέννησε, parait plus précis que l’expression de Luc, τοῦ Ἠλί, laquelle, d’après ces commentateurs, pourrait signifier un beau-fils ou un petit-fils. De la sorte, la généalogie dans Luc, 3, 23, voudrait dire : ou Jésus était, conformément à l’opinion commune, fils de Joseph, qui lui-même était beau-fils d’Éli, père de Marie[1] ; ou bien Jésus était, comme on le croyait, fils de Joseph, et par Marie petit-fils d’Éli[2]. Comme on pourrait objecter que les Juifs, dans leurs généalogies, ne tenaient aucun compte de la ligne féminine[3], on y répond par une hypothèse nouvelle, à savoir, que Marie était une fille héritière, c’est-à-dire fille d’un père sans enfant mâle ; cas auquel, d’après 4 Mos., 36, 6, et Nehem., 7, 63, la coutume juive voulait que l’homme qui épousait cette fille, non seulement fût de la même tribu qu’elle, mais encore se fît recevoir dans sa famille, et, des ancêtres de sa femme, fît ses propres ancêtres. Mais le premier point, à savoir, l’obligation d’être de la même tribu, peut seul se prouver par le passage du livre de Moïse ; quant à l’autre passage, comparé avec plusieurs passages semblables (Esdras, 2, 61 ; 4 Mos., 32, 41, rapprochés de 1 Paralip. 2, 21 suiv.), on y voit seulement que, par exception, quelquefois un individu était dénommé d’après les ancêtres maternels. Ainsi la difficulté du côté de la coutume juive subsiste encore, mais elle s’efface complé-

  1. Ainsi s’explique, entre autres, Paulus sur ce passage : Les Juifs, en supposant qu’une Marie, fille d’Éli, est tourmentée dans l’autre monde (v. Lightfoot, l. c.), paraissent avoir pris, pour l’arbre généalogique de Marie, celui qui, dans Luc, part d’Éli.
  2. Par exemple, Ligbtfoot, Horæ, p. 750 ; Osiander, S. 86.
  3. Comparez Juchasin, f. 55, 2, dans Lightfoot, p. 183 ; et Bava bathra, f. 110, 2, dans Wetstein, p. 230 seq. Comp. cependant Joseph. vita, 1.