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puériles recherches des rabbins ne se trouvent guère dans les évangiles. Il se pourrait donc plutôt que, le nombre quatorze ayant été donné la première fois par le hasard, le généalogiste eût tenu à le conserver en le répétant ; car les Juifs se représentaient les grandes visitations divines, favorables ou funestes, comme revenant à des intervalles réglés. Or, le fondateur du peuple saint ayant été suivi, au bout de quatorze générations, du roi selon le cœur de Dieu, le fils de David, le Messie, devait être arrivé au bout de quatorze générations après la restauration du peuple juif[1]. Nous trouvons une régularité toute semblable dès les plus anciennes généalogies de la Genèse. De même que, d’après le livre de la génération des hommes, βίϐλος γενέσεως ἀνθρώπων, cap. 5, Noé, second père du genre humain, est le dixième depuis Adam, le premier père ; ainsi, depuis Noé, ou, pour mieux dire, depuis le fils de Noé, Abraham, le père des fidèles, est le dixième[2].

Cette manière de traiter a priori son sujet, ce lit de Procuste à la mesure duquel l’auteur tantôt le raccourcit, tantôt l’allonge, presque comme ferait un philosophe construisant un système, n’éveille pas un préjugé favorable au rédacteur de notre généalogie. À la vérité, on invoque l’habitude qu’ont les généalogistes orientaux de se permettre de pareilles omissions ; mais celui qui, déclarant formellement que toutes les générations ont été quatorze pendant un intervalle, donne une liste où, soit hasard, soit dessein, manquent plusieurs termes, celui-là fait preuve d’un arbi-

  1. Voyez Schneckenburger, Beitræge zur Einleitung in das N. T., S. 41 f., et le passage cité de Josèphe, B. j., 6, 4, 8. On peut en outre comparer le passage cité par Schœttgen (Horæ hebr. et talm. ad Matth., l), de la Synopse Sohac, p. 132, n. 18 : « Ab Abrahamo usque ad Salomonem xv sunt generationes ; atque tunc luna fuit in plenilunio. A Salomone usque ad Zedechiam iterum sunt xv generationes, et tunc luna defecit, et Zedechiæ effossi sunt oculi. »
  2. De Wette a déjà appelé l’attention sur l’analogie des tables généalogiques de l’Ancien Testament avec les tables évangéliques ; quant à la régularité systématique des nombres, Kritik der mos. Gesch., S. 69 ; comparez S. 48.