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Donc il n’est permis de toucher aux récits théologiques, ni en y introduisant des allégories, ni en les transformant en faits naturels ; il n’est pas permis de les nier en les considérant comme des impostures ; il n’est pas permis non plus de les accepter en les prenant pour des réalités. La réalité en est ailleurs : elle est dans l’ordre mental ou psychologique, en ce sens qu’ils témoignent non de faits qui se soient réellement passés, mais de mobiles intellectuels et moraux qui ont modifié les sociétés à une profondeur où ne serait jamais arrivé le plus grave des événements matériels. C’est là qu’est le nœud de la question.

On ne peut pas connaître l’histoire, c’est-à-dire le développement de la civilisation, si l’on ne connaît pas d’abord l’homme individuel, c’est-à-dire si l’on n’a pas étudié la biologie dans laquelle l’être humain figure comme le couronnement de la hiérarchie organique. Mais ce serait se tromper grandement (et ce fut l’erreur de quelques biologistes trop ambitieux pour leur science) que de croire qu’il suffit de la biologie pour pénétrer dans la science de l’histoire. Non ; là, dans l’ordre des faits sociaux, apparaissent de nouvelles conditions qui ne sont pas explicables par la simple considération de l’homme en tant qu’individu. L’humanité, a dit Pascal dans une phrase célèbre, est comme un homme qui apprend toujours. Cette faculté d’apprendre toujours n’est pas la seule qui lui soit propre, et il est possible de distinguer en elle des facultés notablement différentes de celles de l’individu, et qui les dépassent par leur étendue et leur puissance de création. C’est l’histoire qui enseigne cette distinction ; et la distinction, étant faite, réagit sur l’histoire et lui donne une clarté singulière. À l’aide de ces facultés propres à l’humanité (sur les-