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auraient pris leur savoir on ne sait où, et des masses qui seraient inhabiles à rien entretenir et féconder.

Il faut moins de mots pour réfuter cette explication qui eut tant de partisans parmi les théologiens allemands, et qui voulut sous chaque miracle trouver simplement un fait naturel. Si un malade est guéri instantanément par un attouchement ou une parole, c’est que la narration est incomplète ; et de fait, il s’agit simplement d’un traitement médical qui a réussi. Si un mort revient à la vie, c’est que la narration a omis des circonstances permettant de reconnaître que la mort était seulement apparente. Jamais, on doit le dire, jamais érudition et labeur ne furent plus mal employés. Les récits miraculeux résistent invinciblement à une pareille transformation. De quelque façon qu’on les arrange, à quelque torture qu’on les mette, toujours le miracle en ressort. Et en effet, les narrateurs n’ont jamais eu l’intention de raconter un phénomène naturel ; leur conviction, d’autant plus assurée que le miracle n’implique pas pour eux contradiction avec un ensemble de notions scientifiques, n’hésite pas en rapportant des guérisons qu’aucun art médical ne pouvait opérer, des résurrections qui triomphaient réellement de l’irréparable mort. Ainsi battue sur le terrain de l’exégèse, cette explication ne l’est pas moins sur le terrain de l’histoire. Car, en vérité, qu’importerait qu’il y eût eu de pareils faits naturels, des guérisons habiles, de sages conseils, des prévoyances éclairées ? Si, au contraire, nous prenons les récits tels qu’ils nous sont donnés, nous voyons l’idéal que se faisaient les communautés religieuses au moment des forces créatrices ; et c’est par cet idéal justement que la création agissait sur le sort entier de l’humanité.