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laissant de côté l’éclair, songer à un rêve : or, Zacharie n’a pu avoir un rêve pendant qu’il était dans le temple, occupé à encenser. De la sorte, on est forcé d’invoquer, avec Paulus, des extases même dans l’état de veille, extases pendant lesquelles l’âme donne à des images subjectives un caractère objectif, c’est-à-dire prend pour des êtres réels les formes imaginaires qui flottent devant elle[1]. De telles extases ne sont certainement pas communes ; mais, dit Paulus, plusieurs circonstances concouraient pour provoquer en Zacharie un état aussi extraordinaire. Ces circonstances sont : le long désir d’avoir de la postérité ; la fonction glorieuse de faire, dans le sanctuaire, monter, avec l’encens, les prières du peuple jusqu’à Jéhovah, ce qui pouvait lui paraître un signe favorable pour sa propre prière ; enfin, peut-être aussi, avant sa sortie de chez lui, une sollicitation de sa femme[2], semblable à celle de Rachel à Jacob (!). L’esprit ainsi excité, dans la demi-obscurité du sanctuaire, il pense, tout en priant, à l’objet de ses souhaits les plus ardents ; il espère, maintenant ou jamais, être exaucé, et par conséquent il est disposé à en voir un signe dans tout ce qui pourra se montrer. La fumée de l’encens qui s’élève, éclairée par les lampes du lustre, forme des figures ; le prêtre s’imagine y apercevoir une figure céleste qui l’effraie d’abord, mais que bientôt il croit entendre lui accorder l’accomplissement de son désir. À peine un doute léger commence-t-il à naître dans son cœur, que le prêtre, pieux jusqu’à l’excès, se regarde aussitôt comme coupable, se croit réprimandé par l’ange à ce sujet, et ici encore une double explication devient possible : ou bien une apoplexie paralyse réellement pour quelque temps sa langue, ce qu’il reçoit comme une juste punition de son doute, jusqu’à ce qu’il

  1. Exeget. Handbuch., 1, a, S. 74, ff.
  2. Cernens autem Rachel quod infœcunda esset, invidit sorori suæ et ait marito suo : Da mihi liberos, alioquin moriar, 1, Mos., 30, 1.