Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/186

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Par cela même que les théologiens orthodoxes trouvaient une difficulté dans la manière dont était représenté le mutisme infligé à Zacharie, ils ont imaginé toutes sortes de motifs à cette punition. Hess a cru justifier la conduite de l’ange du reproche d’arbitraire en disant que cet être divin considéra le mutisme de Zacharie comme le seul moyen de garder secrète, même contre la volonté du prêtre, une chose dont la divulgation prématurée aurait pu avoir, pour l’enfant, des suites dangereuses, comme en eut pour l’enfant Jésus la divulgation de sa naissance par les Mages[1]. Mais d’abord l’ange ne dit rien d’un pareil but ; il ne lui inflige le mutisme que comme signe et punition (v. 20). Secondement, il faut que Zacharie, même pendant son mutisme, ait communiqué par écrit, au moins à sa femme, la partie essentielle de l’apparition ; car nous voyons plus loin (v. 60) qu’Élisabeth connaît le nom destiné à l’enfant avant qu’on interroge son mari. Troisièmement, enfin, à quoi servait-il de mettre en sûreté l’enfant non encore né, en rendant plus difficile la divulgation de son annonciation merveilleuse, puisqu’à peine né il devait être aussitôt exposé à tous les dangers ? car, la langue du père s’étant déliée, la scène qui eut lieu lors de la circoncision remplit tout le voisinage du bruit de ces événements (v. 65). La manière dont Olshausen envisage la chose serait plus admissible : lui considère tout le miracle, et nommément le mutisme, comme une correction morale qui dut apprendre à Zacharie à reconnaître et à surmonter son peu de foi[2]. Mais, d’une part, il n’y a pas un mot de cela dans le texte ; et, d’un autre côté, l’accomplissement inespéré d’une promesse tenue pour impossible aurait suffisamment fait honte à Zacharie de sa défiance. Dans le sentiment de l’insuffisance de ce motif moral pour l’infliction du mutisme, maints théologiens ne

  1. Geschichte der drei letzten Lebensjahre Jesu, sammt dessen Jugendgeschichte, Tübingen, 1779, 1. Bd., S. 12.
  2. Bibl. Comm., 1, S. 115.