Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Voici donc la règle ; dans les cas où non seulement le détail d’une aventure est suspect à la critique, et le mécanisme extérieur exagéré, etc., mais encore où le fond même n’est pas acceptable à la raison, ou bien est conforme d’une manière frappante aux idées des Juifs d’alors sur le Messie ; dans ces cas, dis-je, non seulement les prétendues circonstances précises, mais encore toute l’aventure, doivent être considérées comme non historiques. Au contraire, dans les cas où des particularités seulement dans la forme du récit d’un événement ont contre elles des caractères mythiques, sans que le fond même y participe, alors du moins il est possible de supposer encore un noyau historique au récit. Ajoutons pourtant que, même en un cas pareil, on ne déterminera jamais avec certitude si ce noyau existe réellement et en quoi il consiste, à moins qu’on n’arrive à cette détermination par des combinaisons tirées d’ailleurs. Quant aux légendes ou aux additions du fait de l’écrivain, il est plus aisé d’isoler, au moins approximativement, le fonds historique, en retranchant ce qui se trahit comme faux tableau, comme exagération, etc., et en essayant de séparer le mélange et de combler les lacunes.

Toujours est-il que la limite entre le mythique et l’historique restera incertaine et flottante dans des documents qui, comme les évangiles, se sont incorporé l’élément mythique ; et, dans le premier travail général qui essaie d’apprécier ces documents du point de vue critique, on peut exiger, moins que dans tout autre, une démarcation déjà exactement tracée. Il faut, dans l’obscurité que crée la critique en éteignant toutes les lumières regardées jusqu’à présent comme historiques, que l’œil apprenne par l’habitude à discerner de nouveau les détails : au moins, l’auteur de cet ouvrage demande expressément que là où il déclare ne pas savoir ce qui est arrivé, on ne lui attribue pas d’avoir soutenu qu’il sait que rien n’est arrivé.