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naîtra que ces sociétés, comme autant de corps animés, avaient en cet élément une condition essentielle d’existence, et que, par la pensée, on ne peut les mutiler sans en interrompre tout le jeu et les faire rétrograder à un degré inférieur de développement. Mais plus cette vérité apparaît manifeste, plus la contradiction est flagrante. Car, comme toutes ces théologies reposent sur un surnaturalisme illimité et que l’esprit moderne écarte le surnaturalisme et ses œuvres supposées, il semble qu’un abîme soit ouvert entre les deux civilisations, il semble qu’un dilemme redoutable se pose, et qu’il faille absolument dire : Ou le passé ou le présent se trompe.

Et pourtant l’abîme doit être comblé, et pourtant le dilemme doit être écarté. Le premier moyen qui se présente c’est de nier l’esprit moderne. Mettre à néant les résultats de tout le travail des derniers siècles est plus facile à dire qu’à faire. Au point de vue de la théorie, c’est renoncer à toute interprétation de l’histoire ; car, s’il est vrai que la civilisation moderne, qui pourtant s’est produite et qui a pris un si puissant empire sur les choses et sur les hommes, n’est qu’une perversion perpétuelle et une chute qui s’aggrave tous les jours, alors il est vrai aussi qu’il n’y a plus d’histoire, c’est-à-dire aucun développement des aptitudes propres à l’humanité. Au point de vue de la pratique cela implique une tendance à refouler tous ces progrès qui se font, à couper tous ces bourgeons qui poussent et à réduire l’arbre verdoyant et magnifique aux proportions de son enfance. C’est entreprendre une restauration du passé qui serait la plus anarchique du monde, car elle devrait détruire immensément. Mais, en attendant, l’élaboration incessante augmente les difficultés de pareils projets ; et, combattant, comme