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aidé peut-être en cela par des compères qui certifiaient au peuple avoir aussi vu ce qu’il racontait ? ou bien nous le figurerons-nous comme un homme plus heureusement doué, comme un être supérieur que les autres crurent sur parole, recevant de lui comme une révélation sainte ces mythes sous l’enveloppe desquels il cherchait à leur communiquer des vérités salutaires ? Mais il est impossible de prouver qu’une pareille caste de fourbes ait jamais existé dans la Grèce antique (ou dans la Palestine) ; de plus, la tromperie ainsi arrangée en système, fine ou grossière, intéressée ou philanthropique, ne s’accorde pas, si l’impression faite sur nous par les plus anciennes productions de l’esprit grec (et chrétien) ne nous trompe pas, avec la noble simplicité de ce temps. Nous en venons à penser que l’on ne peut, non plus, supposer au mythe un inventeur dans le sens propre du mot. Or, à quoi mène ce raisonnement ? à rien autre chose évidemment qu’à la conclusion suivante : qu’il faut écarter de nos recherches, comme inapplicable à la formation du mythe, toute supposition d’une invention, c’est-à-dire d’un acte prémédité et libre par lequel l’auteur aurait revêtu des apparences de la vérité quelque chose reconnu faux par lui-même ; en d’autres termes, qu’une certaine nécessité préside à la réunion de l’idée et du fait qui sont incorporés dans le mythe ; que ceux qui l’ont formé y ont été conduits par des impulsions qui agissaient sur tous également, et que les deux éléments du mythe s’y sont confondus, sans que les auteurs de cette confusion aient eux-mêmes reconnu la différence des deux éléments et en aient eu conscience. Une certaine nécessité dans la production du mythe, l’ignorance de son caractère parmi ceux qui le produisent, telle est la double idée sur laquelle nous insistons. En la comprenant, nous comprenons en même temps que la discussion pour savoir si le mythe provient d’un individu ou de plusieurs, du poëte ou du peuple, ne porte pas, dans les