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Que de tels récits, qui représentent comme arrivé ce qui n’arriva jamais, aient été composés sans fraude préméditée, et tenus pour vrais sans une crédulité excessive, c’est ce qui paraît surprenant au premier coup d’œil, et cette objection a été opposée comme une difficulté insurmontable à la conception mythique de plusieurs récits de l’Ancien et du Nouveau Testament. Si cette difficulté était réelle, il serait aussi impossible d’expliquer mythiquement la légende païenne que la légende hébraïque et chrétienne ; et, la mythologie profane ayant surmonté cet obstacle, la mythologie biblique n’y échouera pas. Je transcris ici textuellement un long passage d’un savant fort versé dans la mythologie et dans l’histoire primitive ; je le transcris parce qu’il est clair que les idées préliminaires fournies par la mythologie générale pour l’intelligence de mes propres recherches sur le mythe évangélique ne sont pas encore familières à tous les théologiens.

« Comment, se demande Otfried Müller[1], concilier ces deux choses, à savoir que, dans le mythe, on trouve intimement incorporés le fait et une pure idée, qui n’a jamais eu de réalité historique, et que pourtant les mythes ont été crus et tenus pour vrais ? Cette pure idée, sans réalité historique, dira-t-on, n’est pas autre chose qu’une fiction revêtue des formes d’un récit : or, une fiction de ce genre qui exigerait un concours complet de plan, d’invention et d’exposition, ne peut, sans miracle, avoir été trouvée par plusieurs à la fois ; donc, c’est un seul individu qui en est l’auteur. Et maintenant, comment cet individu a-t-il convaincu tous les autres que son invention n’était pas une fiction ? Admettons-nous qu’il a été un fourbe adroit qui a su persuader les autres par des illusions et de vaines apparences,

  1. Prolegomena zu einer wissenschaftlichen Mythologie, S. 110 ff. C’est aussi l’avis, quant aux mythes païens, de Ullmaun et J. Müller, dans leurs articles sur le présent ouvrage, et de Hoffmann, p. 113. Mais il faut particulièrement comparer George, Über Mythus und Sage, S. 15, S. 103.