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sorte le type régulier de l’action divine. Ici, il est vrai, les supranaturalistes supposent une exception à ce type pour le cercle même de l’histoire biblique, supposition que nous ne pouvons accepter[1], car notre doctrine fait régner les mêmes lois dans tous les cercles des existences et des phénomènes ; par conséquent elle déclare, de prime abord, non historique tout récit où ces lois sont violées.

Ainsi c’est le résultat, en apparence singulier si l’on veut, d’un examen général de l’histoire de la Bible, que les religions hébraïque et chrétienne ont leurs mythes comme toutes les autres[2]. Ce résultat se confirme encore quand on part de l’idée de religion, et qu’on se demande : Quel est l’élément qui, appartenant à l’essence même de la religion, doit se trouver fondamentalement dans toutes, et en quoi, au contraire, les religions particulières diffèrent-elles ? Si, définissant la religion en regard de la philosophie, on dit que la religion donne à la conscience le même fond de vérité absolue que la philosophie, mais sous forme d’image et non sous forme d’idée, il est aisé de comprendre que le mythe ne peut manquer qu’au-dessous et au-dessus du point de vue propre à la religion, mais que l’existence en est essentiellement nécessaire dans la sphère religieuse.

  1. C’est à cette liberté de toute présupposition que prétend l’ouvrage ici soumis au jugement du lecteur, dans le même sens que l’on pourrait appeler libre de toute supposition un État dans lequel les privilèges de rang, de naissance, etc., ne seraient comptés pour rien. À la vérité, on pourrait dire que cet État fait la supposition que tous les citoyens sont également hommes, de même que notre opinion suppose qu’une même régularité préside à tous les événements. Mais ce n’est là que changer (ce qui peut toujours se faire) une proposition négative en une proposition affirmative. Au contraire, la proposition que des lois particulières ont présidé à l’histoire de la Bible est, en soi, une affirmation ; se refuser de l’admettre est une négation. Or, d’après la règle connue, l’affirmation, non la négation, a besoin d’être prouvée. Donc, l’opinion de lois particulières pour la Bible, et non l’opinion contraire, dans le cas où les preuves seraient nulles ou insuffisantes, doit être considérée comme une supposition.
  2. Au contraire, Hoffmann, p. 70, prouve, par une déduction partant du premier homme et de son état primitif imaginaire, que dans la religion de l’Ancien et du Nouveau Testament il ne peut pas y avoir de mythes. Cette démonstration, d’après l’expression même de l’auteur, commence ab ovo, c’est-à-dire d’un point indéterminé et auquel on peut commodément donner les conditions dont on a besoin pour ce qu’on veut prouver.