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brables endroits, par l’intervention de la causalité divine.

À la vérité, un examen plus attentif montra que, si l’opinion antique détruisait l’idée du monde, l’opinion moderne détruisait l’idée de Dieu, même lorsqu’elle n’en niait pas directement l’existence. Car, ainsi qu’on l’a remarqué souvent et avec raison, ce n’est plus un dieu et un créateur, c’est un artiste limité et fini qui n’agit immédiatement sur son œuvre qu’au moment où il la produit, qui ensuite l’abandonne à elle-même ; en un mot, qui se trouve, avec la plénitude de son activité, exclu d’un cercle de l’existence. Aussi, afin de conserver au monde son enchaînement, à Dieu son activité infinie, a-t-on songé à réunir les deux opinions, et à sauver par là la vérité de l’histoire biblique. On dit donc que, dans la règle, le monde ne se meut que suivant l’enchaînement des causes et des effets qui y sont liés, et que Dieu n’agit sur le monde que médiatement ; mais que, dans des cas particuliers et quand il le juge nécessaire pour un but spécial, il ne s’est pas ôté le pouvoir d’intervenir immédiatement dans le cours des changements temporels[1]. Telle est maintenant la doctrine du supranaturalisme moderne, et il est visible que c’est un faux essai de conciliation ; car, bien loin d’éviter les vices des deux opinions opposées, elle les réunit et y joint une nouvelle faute, la contradiction de deux opinions mal rapprochées. En effet, l’enchaînement de la nature et de l’histoire reste rompu comme dans l’antique opinion de la Bible, et l’activité de Dieu est bornée comme dans l’opinion opposée. À quoi il faut ajouter qu’en admettant que Dieu agit tantôt médiatement et tantôt immédiatement sur le monde, on introduit dans son action un changement, et par conséquent un élément temporel ; reproche qu’on peut aussi adresser à la Bible, en tant qu’elle distingue, dans l’activité divine, des

  1. Heydenreich, Ueber die Unzulæssigkeit u. s. f., 1. Stück. Comparez Storr, Doct. christ., § 35 et seq.