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Ainsi l’histoire biblique ne blesse pas notre conception de Dieu de la même manière que la mythologie païenne ; elle n’est donc pas, comme elle, marquée tout d’abord, par cela seul, du caractère de la fiction, sans cependant que le caractère historique, remarquons-le bien, en soit encore aucunement garanti. Mais il est une autre question qu’il faut examiner : l’histoire biblique n’est-elle pas moins en accord avec notre conception du monde qu’avec notre conception de Dieu, et ce désaccord ne la dépouille-t-il pas de toute réalité historique ?

Dans l’antiquité, et surtout dans l’Orient, avec une direction religieuse prédominante et une connaissance fort petite des lois de la nature, on se représentait l’enchaînement des êtres et des existences dans le monde comme quelque chose d’assez lâche ; on croyait pouvoir s’élancer dans l’infini de chaque point de cette chaîne, et considérer Dieu comme la cause immédiate de chaque changement dans la nature et dans l’humanité. Telle est aussi la conception dans laquelle l’histoire biblique a été écrite. Sans doute, dans cette histoire, Dieu n’opère pas tout par lui-même ; jamais homme raisonnable n’a pu, dans l’ordre des choses finies, concevoir de la sorte la production des phénomènes ; la connexion des causes, en une foule de cas, assiège notre esprit d’une manière trop immédiate pour le permettre. Mais il règne, dans l’Ancien Testament, une disposition générale à dériver directement de Dieu tout, même les événements particuliers, pour peu qu’ils paraissent avoir quelque gravité. C’est lui qui donne la pluie et le soleil ; il envoie le vent d’est et d’orage ; il dispense la guerre, la famine, la peste ; il endurcit les cœurs, il les amollit ; il inspire des pensées et des résolutions. Ce sont surtout ses instruments choisis et ses favoris sur lesquels et par lesquels il agit immédiatement : l’histoire du peuple d’Israël offre à chaque pas les traces de son intervention directe ; par Moïse, Élie,