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avatara sous la forme de poisson, de tortue et de sanglier ; si Saturne a dévoré ses enfants ; si Jupiter s’est métamorphosé en taureau, en cygne, ce sont des récits bien autrement incroyables que ceux où l’on voit Jehovah, avec une forme humaine, joindre Abraham sous le térébenthinier, ou apparaître à Moïse dans le buisson ardent. » C’est là le caractère extravagant de la mythologie païenne, et il est vrai que plusieurs récits de l’histoire biblique en ont une forte teinte, par exemple, les narrations sur Balaam, Josué, Samson ; mais ce caractère y est moins saillant, et il n’en forme pas le trait général, comme dans la religion indienne, et même dans certaines parties de la religion grecque. Mais comment cela serait-il décisif dans la question ? On en peut conclure que l’histoire biblique sera moins éloignée de la vérité que la fable indienne ou grecque, mais nullement que l’histoire biblique soit vraie, ou ne puisse rien contenir de dû à l’imagination.

« Mais, dit-on, les sujets de la mythologie païenne sont en grande partie tels, que l’on sait d’avance, avec certitude, qu’ils ne sont que pure fiction ; au lieu que l’existence réelle de ceux de l’histoire biblique est incontestable. Un Brahma, un Ormuzd, un Jupiter, n’ont jamais existé ; mais il existe un Dieu, un Christ, et il a existé un Adam, un Noé, un Abraham, un Moïse. » L’existence d’un Adam, d’un Noé, a déjà été révoquée en doute comme celle de ces individus, de la religion païenne, et est sujette en effet au doute ; d’un autre côté, la légende grecque d’Hercule, de Thésée, d’Achille et d’autres héros, peut renfermer quelque chose d’historique. Mais ce n’est pas là qu’il faut s’arrêter ; car, si d’abord on se borne à conclure seulement qu’en cela encore l’histoire biblique est moins loin de la vérité que le mythe païen, sans en conclure que l’histoire biblique doive être vraie, néanmoins l’esprit ne peut s’empêcher de rattacher à cette différence une remarque pleine de conséquences