Page:Strauss David - Vie de Jésus, tome 1, Ladrange 1856.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

provenaient de ses disciples : aussi Justin et Celse attribuaient-ils les écrits évangéliques aux apôtres en général ; aussi les écrits isolés étaient-ils rapportés à tel ou tel apôtre ou disciple d’apôtre, suivant que quelque chose d’oral ou d’écrit provenait de tel ou tel, servait de noyau à un écrit évangélique, ou peut-être seulement suivant que tel ou tel jouissait d’une considération particulière dans une contrée ou dans un parti. L’évangile des Hébreux a passé par ces trois sortes de dénominations, appelé εὐαγγέλιον καθ’ Ἑϐραίους, d’après le cercle de ses lecteurs, puis plus tard, d’une façon générale, evangelium juxta duodecim apostolos, enfin d’une manière précise secundum Matthæum[1].

Mais, dit-on, en accordant même que nous n’ayons, dans aucun de nos évangiles, la relation d’un témoin oculaire, il paraît incroyable qu’à une époque où tant de témoins oculaires vivaient, il se soit formé, dans la Palestine même, des légendes non historiques sur Jésus et des recueils de ces légendes. Qu’au temps des apôtres, disons-le d’abord, des recueils de récits sur la vie de Jésus aient déjà été dans une circulation générale, et qu’un de nos évangiles en particulier ait été connu d’un apôtre et reconnu par lui, c’est ce qui ne pourra jamais être prouvé. Quant à la naissance d’anecdotes isolées, il ne faut que développer davantage les idées qu’on se fait de la Palestine et de témoins oculaires, pour comprendre que ces idées n’empêchent nullement d’admettre que des légendes aient été créées de si bonne heure. Qui nous dit donc qu’elles ont dû justement se former dans les lieux de la Palestine où Jésus avait résidé le plus longtemps, et où les vrais événements de sa vie étaient connus ? Quant aux témoins oculaires, si par là on entend les apôtres, il faudrait leur attribuer une véritable ubiquité, pour qu’ils eussent pu déraciner les légendes non historiques sur Jésus partout où elles germaient et prenaient

  1. De Wette, l. c.