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montre sur tous les points de l’histoire de la vie de Jésus. Mais cela ne veut pas dire que partout la couche en sera également épaisse. Loin de là, il est d’avance vraisemblable que dans cette partie de sa vie que Jésus passa sous la lumière de la publicité, on trouvera plus de fonds historique que dans la portion qui s’écoula au milieu de l’obscurité de la vie privée.


§ XII.


Polémique contre l’explication mythique de l’histoire évangélique.

En considérant l’histoire biblique du point de vue mythique tel qu’il a été exposé jusqu’ici, on s’était de nouveau approché de l’ancienne explication allégorique. L’explication naturelle des rationalistes, ainsi que l’explication méprisante des naturalistes ou déistes, appartient au système qui, sacrifiant le fond divin des récits sacrés, en conserve une forme historique, mais vide ; au rebours, l’explication mythique, comme l’allégorique, préfère sacrifier la réalité historique du récit pour conserver une vérité absolue. D’après le point de doctrine qui sert de base à ces deux dernières explications, de même qu’à l’explication morale, l’historien présente, il est vrai, quelque chose d’historique en apparence ; mais, qu’il le sache ou ne le sache pas[1], un esprit supérieur a préparé cette enveloppe historique à une vérité ou opinion placée au-dessus de l’histoire. Et voici la seule différence essentielle qui se trouve entre les explications spécifiées en dernier lieu : c’est que, d’après l’allégorique, cet esprit supérieur est immédiatement l’esprit divin, au lieu que, d’après la mythique, c’est l’esprit d’un

  1. D’après Philon, Moïse même a en vue le sens caché et plus profond de ses écrits ; voyez Gfrœrer, I, S. 94. D’après Origène aussi, Comm. in Joann., t. 6, § 2. t. 10, § 4, le prophète et l’évangéliste ont une certaine conscience du sens plus profond de leurs paroles et de leurs récits. Selon l’explication mythique, le narrateur ne comprend pas comme idée pure l’idée incorporée dans son récit, mais il ne la comprend que sous la forme même de ce récit. Cela sera exposé plus en détail § 14.