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cratie, fut représentée dans la légende postérieure sous un jour tout opposé, et comme une décadence de la constitution religieuse donnée par Moise. Il arrivera immanquablement qu’une conception aussi peu historique défigurera çà et là les faits historiques transmis par la tradition, comblera des lacunes, ajoutera des particularités caractéristiques, et alors le mythe reparaît dans la légende. De même aussi, le mythe, qui, en se propageant par la tradition, tantôt devient indécis et incomplet, tantôt exagère certaines particularités, par exemple les nombres, le mythe, disons-nous, tombe, de son côté, sous l’influence de la légende. Ainsi ces deux formations, essentiellement différentes dans leur origine, se croisent et se mêlent. La première communauté chrétienne forma mythiquement l’histoire de la vie de son fondateur ; mais elle en avait l’impression vivante, l’idée originelle, et par conséquent elle a représenté, quoique sous une forme non historique, la véritable signification de l’idée du Christ. C’est le contraire pour les faits réels : non seulement la légende les défigure ou les grossit, mais encore elle les met dans un faux jour, par conséquent elle les remplit d’une fausse idée, de sorte que par elle nous perdrions la vraie signification de la vie de Jésus. Ainsi, d’après George, la croyance chrétienne est bien plus en sûreté, en reconnaissant dans les évangiles des éléments mythiques, qu’en y reconnaissant des éléments légendaires[1].

Pour nous, que la signification dogmatique n’occupe point encore ici, nous restons, pour le moment, dans cette Introduction, préparés simplement à rencontrer, dans l’histoire évangélique, aussi bien des mythes que des légendes ; et, quand nous entreprendrons d’extraire des récits reconnus mythiques le résidu historique qui pourra s’y trouver, nous

  1. George, Mythus und Sage ; Versuch einer wissenschaftlichen Entwicklung dieser Begriffe und ihres Verhæltnisses zum christlichen Glauben, S. 11 ff., 108 ff.