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jamais établie sans la crédulité des autres ; le développement de l’humanité ayant traversé des phases nécessaires, sans lesquelles rien ne se serait fait.

Partout dans l’antiquité est le miracle. Les dieux descendent sur la terre et remontent au ciel. Les pythonisses rendent des oracles pour les particuliers et pour les États. Des apparitions viennent épouvanter ou éclairer les hommes. Les maladies épidémiques, les malheurs publics ne fondent jamais sur les peuples sans que le courroux des dieux ne soit considéré comme la cause, et leur apaisement comme le remède du mal. Pendant que cela est ainsi dans le polythéisme d’Égypte ou de Syrie, de Grèce ou de Rome, il n’en est pas autrement dans le monothéisme judaïque. Jéhovah apparaît aux hommes éminents qu’il favorise ; les anges vont et viennent incessamment des cieux à la terre, apportent des ordres, emportent des prières. Les disgrâces du peuple choisi sont toujours des inflictions divines ; les prophètes prédisent l’avenir, obtiennent des signes, guérissent les malades et montent dans l’empyrée.

Et ce n’est pas seulement aux époques primitives, alors que Moïse traversait les déserts à la tête du peuple choisi, alors que la Grèce, conduite par les dieux, assiégeait Troie bâtie par des mains divines, alors que Romulus, fils de Mars, jetait les fondements de la ville éternelle, ce n’était pas seulement dans ces ténèbres des origines que l’opinion plaçait les scènes miraculeuses qui alimentaient sa croyance. Aux temps les plus historiques, le spectacle n’était guère différent. L’état mental restait fondamentalement le même et produisait les mêmes effets. Aussi, encore aujourd’hui, tandis que la raison moderne a exclu du cercle de ses notions l’idée de miracle, il est des pays, l’Inde, la Chine,