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liance de Dieu avec Abraham[1] : les auteurs de l’explication naturelle abandonnent le fait sous cette forme, mais ils prétendent conserver un fondement historique à ce récit. Il n’y a pas eu, disent-ils, une communication réelle de Dieu avec Abraham ; mais dans le cœur de ce patriarche il s’est élevé, soit pendant une vision, soit pendant la veille naturelle, des pensées que, conformément au génie de l’ancien monde, il a rapportées à Dieu. Aux interprètes qui procèdent ainsi, De Wette adresse cette question : D’où savez-vous qu’Abraham a eu de lui-même ces pensées ? Notre relation, observe-t-il, les fait venir de Dieu ; du moment que nous ne l’admettons pas, nous ne savons plus rien sur de telles pensées d’Abraham, et par conséquent nous ne savons pas qu’elles lui soient venues naturellement. Certainement les espérances qui constituent le fond de l’alliance, à savoir qu’il serait la souche d’un peuple destiné à posséder la terre de Canaan, n’ont pu naître par une voie naturelle dans l’esprit d’Abraham ; ce qui est naturel, c’est que les Israélites, devenus un peuple et s’étant rendus maîtres du pays, aient imaginé cette alliance de leur ancêtre pour orner leur histoire. Ainsi l’explication naturelle, par la tournure forcée et peu naturelle qui lui est propre, ramène toujours à l’explication mythique.

Eichhorn même a vu que l’explication naturelle qu’il avait construite pour l’Ancien Testament n’était pas applicable à l’histoire évangélique. Ce qui, en ces récits, remarqne-t-il[2], a un reflet surnaturel, nous ne devons pas vouloir le transformer en événement naturel, parce que cela n’est pas possible sans violence. Lorsque, par la fusion des idées populaires avec le fait, quelque chose est représenté comme surnaturel, on ne pourrait y démêler le fait naturel qu’autant qu’on posséderait sur le même objet un autre récit exempt de cette fusion. Tel est, pour la fin

  1. Voyez la Préface, p. 59 et suiv.
  2. Einleitung in das N. T. I, S. 408 ff.