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déploie sur toute la longueur du climat méridional et l'Éthiopie pareillement, puisque, sur quelque point dudit climat que vous arrêtiez votre pensée, c'est toujours sur l'Océan et sur l'Éthiopie que vous tombez. C'est dans un sens général aussi que le poète a dit ailleurs,

« Mais il fut aperçu de Neptune, qui revenant alors des « rivages de l'Éthiopie, du haut des monts Solymes, le découvrit au loin[1], »

cette double expression « des rivages de l'Éthiopie, du haut des monts Solymes » étant l'équivalent de celle-ci « des régions du Midi » ; car ce n'est point des Solymes de Pisidie que le poète parle ici, mais d'un peuple imaginaire, avons-nous dit, portant le même nom, et qu'il suppose placé par rapport à l'esquif sur lequel erre son héros et par rapport aux peuples situés au sud de ce point (lesquels ne sauraient être que ses Éthiopiens) juste dans la même position où les Solymes de Pisidie se trouvaient être par rapport au Pont et à l'Éthiopie proprement dite, sise au-dessus de l'Égypte. Ce qu'Homère enfin dit des grues doit être pris également en thèse générale :

« Fuyant l'hiver et les pluies torrentielles, elles s'envolent en criant vers les rivages de l'Océan, et leurs cris annoncent « à la nation des Pygmées et la guerre et le trépas[2]. »

Car ce n'est pas en Grèce seulement qu'on voit ainsi les grues émigrer vers le Midi ; les choses ne se passent pas autrement en Italie, en Ibérie, aux environs de la mer Caspienne et dans la Bactriane. Mais, comme il est constant que l'Océan règne tout le long du littoral méridional, et que les grues se portent sur tous les points de l'Océan indifféremment pour y chercher un abri contre les frimas, il faut admettre en même temps que, dans la pensée d'Homère, les Pygmées étaient répandus sur toute la longueur de ses rivages. Que si, maintenant, il a plu aux modernes

  1. Hom. Odyssée, V, 282.
  2. Id , Iliade, III, 4.