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australe, ne forme qu'un seul et même courant continu. Mais tous s'étaient accordés à appeler Éthiopie les points ou contrées extrêmes, terme de leur navigation, et à les faire connaître sous cette dénomination. Qu'y aurait-il donc de déraisonnable à admettre qu'Homère, sur la foi de semblables récits, a cru devoir partager les Éthiopiens en deux groupes, l'un oriental, l'autre occidental, en attendant qu'on sût s'ils occupaient aussi ou n'occupaient point tout l'espace intermédiaire? Éphore, enfin, rapporte une autre tradition fort ancienne, qu'on peut supposer sans invraisemblance avoir été connue d'Homère : suivant cette tradition, qui avait cours, dit-il, parmi les Tartessiens, les Éthiopiens auraient poussé leurs incursions dans l'intérieur de l'Afrique jusqu'au Dyris [ou Atlas][1] et y auraient laissé une partie des leurs, tandis que le reste se serait répandu tout le long du littoral; or Éphore conjecture que c'est le fait de cette séparation qui a suggéré à Homère l'expression suivante :

« Les Éthiopiens divisés en deux nations aux extrémités de la terre. »

27. Voilà déjà ce qu'on pourrait répondre à Aristarque et à ses partisans; mais il y a maint autre argument plus plausible encore à faire valoir, pour achever de décharger le poète de l'imputation de grossière ignorance qui pèse sur lui. Ainsi, en me reportant aux opinions des anciens Grecs, en voyant comment ils comprenaient tout ce qu'ils connaissaient de peuples septentrionaux sous le seul et même nom de Scythes, ou sous celui de nomades qu'emploie Homère, et comment plus tard, avec le progrès des découvertes dans l'Occident, ils adoptèrent aussi pour cette partie de la terre des dénominations générales, soit les noms simples de Celtes et d'ibères, soit les noms mixtes de Celtibères et de Celloscythes, étant réduits par ignorance à ranger ainsi sous une seule et même dénomination des peuples

  1. Nous avons cru pouvoir traduire ce passage d'après la correction si heureuse de M. Ch. Müller dusous en Dusous. Voy. son Index variae lectionis, p. 942, col. 2, 1. 2 et suiv. Cf. Hase, Journal des savants, 1858, p. 699.