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du haut des monts Solymes, il découvre au loin le « héros[1] »

Peut-être enfin Homère a-t-il emprunté à l'histoire des Scythes l'idée de son mythe des Cyclopes à un œil, les Scythes-Arimaspes, qu'Aristée de Proconnèse a le premier fait connaître dans son poème des Arimaspies, passant aussi pour n'avoir qu'un œil.

11. Cela posé, examinons ce que veulent dire ceux qui ont prétendu qu'il fallait chercher dans les parages de la Sicile ou de l'Italie le théâtre attribué par Homère aux erreurs d'Ulysse. La chose en effet peut s'entendre de deux laçons, bien ou mal : bien, si l'on conçoit qu'Homère, sérieusement convaincu de la réalité des courses d’Ulysse dans ces parages, a accepté cette donnée comme vraie historiquement, mais l'a traitée avec la libre imagination d'un poète (et l'on est d'autant plus autorisé à croire que c'est là ce qu'a fait Homère qu'aujourd'hui encore on retrouve, non seulement en Italie, mais jusqu'aux derniers confins de l'Ibérie, les traces du passage d'Ulysse et de celui de maint autre héros); mal, si l'on veut voir de l'histoire dans de pures fictions, sans reconnaître, ce qui pourtant saute aux yeux, qu'en parlant comme il fait de l'Océan, de l'Enfer, des Bœufs du Soleil, du séjour d'Ulysse et des métamorphoses de ses compagnons dans le palais des déesses, de la stature colossale des Cyclopes et des Laestrygons, de la figure monstrueuse de Scylla, des distances énormes parcourue par le vaisseau d'Ulysse et de mainte autre circonstance analogue, Homère emploie à dessein le merveilleux poétique. Or, suivant nous, l'homme qui peut méconnaître à ce point les procédés du poète ne mérite pas même qu'on le réfute, car il n'eût pas fait pis en affirmant que le retour d'Ulysse dans Ithaque, le massacre des prétendants et le combat du héros contre les Ithaciens hors de l'enceinte de la ville se sont réellement passés comme le raconte Homère; et d'autre part il nous paraît souverainement injuste

  1. Hom., Odyssée, V, 232.