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échapper fût-ce une épithète inutile. - Or, je le demande, celui qui agit de la sorte vise-t-il plutôt à amuser qu'à instruire? - Ici peut-être, répondront les partisans d'Ératosthène, Homère songe à instruire; en revanche tout ce qui n'est pas proprement du domaine des sens a été peuplé par lui, comme par les autres poètes, de monstres imaginaires, semblables à ceux de la Fable. - Soit; mais alors il eût fallu dire que tout poète compose tantôt uniquement en vue de l'agrément, tantôt aussi en vue de l'instruction de ses lecteurs ; et c'est ce que ne fait pas Ératosthène, qui accuse Homère d'avoir cherché partout et toujours à amuser, jamais à instruire. Il va plus loin, et, pour corroborer son dire, demande ce que pourraient ajouter au mérite du poète cette connaissance exacte d'une infinité de lieux et toutes ces notions de stratégie, d'agriculture, de rhétorique et d'autres sciences encore que quelques-uns ont prétendu attribuer à Homère. - En prêtant ainsi à Homère la science universelle, on peut paraître, nous l'avouons, entraîné par un excès de zèle, et, comme le dit Hipparque, autant vaudrait faire honneur à l'irésiöné attique des poires , des pommes dont elle est chargée, mais qu'elle ne peut pro-duite, que de revendiquer pour Homère la connaissance de toutes les sciences, et de tous les arts sans exception. Sur ce point-là donc, ô Ératosthène, tu as peut-être raison; mais à coup sûr tu te trompes quand, non content de refuser à Homère autant d'érudition, tu prétends réduire la poésie à n'être qu'une vieille conteuse de fables, qu'on laisse libre d'imaginer tout ce qui peut lui sembler bon à divertir les esprits. N'y a-t-il donc rien, en effet, dans l'audition des poètes qui puisse nous porter à la vertu? Toutes ces notions, par exemple, de géographie, d'art militaire, d'agriculture et de rhétorique, que cette audition tout au moins nous procure, ne peuvent-elles rien pour ce but suprême?

4. Homère pourtant prête toutes ces connaissances à Ulysse, c'est-à-dire à celui de ses héros qu'il se plaît à décorer de toutes les vertus. C'est à lui, en effet, que s'applique ce vers :