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large, même des parties du rivage les moins reculées où le flot aura atteint[1]. Eh bien! Le limon des fleuves et les eaux qui en sont chargées se trouvent repoussés absolu-ment de la même façon par le flot, sans compter que leur propre poids contribue encore à les précipiter plus vite contre la terre, au pied de laquelle ils se déposent avant d'avoir pu atteindre le large, parce qu'à une faible distance au delà de son embouchure le courant d'un fleuve perd toute sa force. Et c'est ce qui fait qu'un jour la mer peut se trouver comblée tout entière à partir de ses rivages, pour peu qu'elle continue à recevoir ainsi sans interruption les alluvions des fleuves : dans ce cas là, en effet, rien ne pourrait empêcher un tel résultat de se produire, supposions-nous le Pont plus profond encore que la mer de Sardaigne, qui, avec les mille orgyes que l


10. On peut donc, en somme, se montrer moins empressé qu'Ératosthène d'adopter l'explication de Straton; et peut-être vaudrait-il mieux rattacher le phénomène en question à un ordre de faits plus sensibles, du genre de ceux, si l'on peut dire, auxquels nous assistons tous les jours. Les inondations, par exemple, les tremblements de terre, les éruptions, les soulèvements du sol sous-marin, d'une part, et d'autre part les affaissements ou éboulements subits sont au-tant de causes qui peuvent avoir également pour effet les unes d'exhausser, les autres d'abaisser le niveau de la mer. Et comme on ne s'expliquerait point que ces sortes de soulèvements fussent possibles pour des niasses ou matières volcaniques et pour de petites îles, sans l'être aussi pour des îles de grande étendue, possibles pour les îles en général, sans l'être aussi pour les continents, de même on devra admettre la possibilité des grands comme des petits affaissements; d'autant mieux que la tradition parle de cantons entiers et de villes, comme voilà Bura, Bizoné et plusieurs autres, qui auraient

  1. Voy. la correction proposée par M. Ch. Müller pour tout ce passage, p. 943-44 de son Index variae lectionis.