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dation du royaume de Dieu, ou, suivant la conception moderne, au développement et à l’histoire de l’humanité et c’est seulement en proportion de sa participation qu’il s’attache à lui une valeur chrétienne, ou, dans le sens moderne, une valeur humaine ; pour le reste il n’est que poussière et saccus stercorum.

Que l’individu soit pour lui-même une histoire du monde, et que le reste de l’histoire universelle soit sa propriété, voilà qui passe le chrétien. Pour ce dernier l’histoire du monde est la chose suprême parce qu’elle est l’histoire du Christ ou de « l’Homme » ; pour « l’égoïste » il n’y a que son histoire qui ait de l’importance parce qu’il ne veut développer que soi et non l’idée d’humanité, le plan de Dieu, les desseins de la providence, la liberté, etc. Il ne se considère pas comme l’instrument de l’idée ou le vase d’élection de Dieu, il ne se reconnaît aucune mission, il ne s’imagine pas exister pour poursuivre le développement de l’humanité et avoir pour tâche d’y contribuer, mais il vit jusqu’au bout son existence sans s’inquiéter si l’humanité va bien ou mal. Si cela ne donnait pas lieu à la méprise que l’on fait ici l’apologie de l’état de nature ce serait le cas de rappeler les « trois tziganes » de Lénau[1]. — Quoi donc ! suis-je au monde pour réaliser des idées ? ai-je le devoir comme citoyen, de donner une réalité à l’idée « État », comme époux et comme père, d’amener l’idée de famille à l’existence ? Peu me chaut une telle mission ! Pas plus que la fleur ne pousse et n’embaume suivant une mission, je ne vis suivant une mission.

L’idéal « Homme » est réalisé quand la conception chrétienne aboutit à la proposition : « Moi l’unique, je

  1. Poésie célébre de Lénau.