Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

elle, tu es possédé de « devoirs sociaux » ; l’association au contraire, tu l’utilises, et tu l’abandonnes, sans te préoccuper de devoirs ou de fidélité, quand tu ne vois plus à en tirer profit. Si la société est plus que toi, c’est que tu la considères comme au-dessus de toi ; l’association n’est que l’instrument ou l’épée qui donne à tes forces naturelles plus de puissance et d’acuité ; l’association existe pour toi et par toi, la société au contraire te revendique pour elle et existe aussi sans toi ; bref ta société est sacrée, l’association est ta chose propre : la société se sert de toi, tu te sers de l’association.

Il ne faut pas s’arrêter à l’objection que l’accord conclu pourra nous être de nouveau à charge et limiter notre liberté ; on nous dira qu’il faudra en venir à ce que « chacun sacrifie une part de sa liberté à la chose publique ». Seulement ce sacrifice, ce n’est pas à la chose publique que je le fais, pas plus que je n’ai conclu d’accord par amour pour la « chose publique » ou pour un individu quelconque autre que moi ; c’est mon intérêt personnel seul, mon égoïsme qui m’y a amené. D’ailleurs en ce qui concerne le sacrifice, je ne sacrifie que ce qui n’est pas en mon pouvoir, c’est-à-dire que je ne « sacrifie » rien.

Pour revenir à la propriété, c’est le maître qui est propriétaire, choisis donc si tu veux être maître ou si tu veux que ce soit la société ! Suivant ton choix, tu seras propriétaire, ou gueux. L’égoïste est propriétaire, l’homme social est un gueux. Gueuserie ou non-propriété est le signe du régime féodal qui depuis le siècle dernier a mis « l’homme » à la place de Dieu, reçoit de l’homme le fief qu’il tenait auparavant de la grâce de Dieu, et n’a fait par suite que changer le suze-