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criminel. Vos paroles sont des crimes et tout obstacle à votre liberté de parole n’en est pas moins un crime. Vous êtes tous ensemble des criminels.

Cependant vous ne l’êtes que lorsque vous vous tenez sur le terrain du droit, c’est-à-dire lorsque ne le sachant même pas, vous avez conscience d’être criminels.

La propriété, inviolable ou sacrée a poussé sur ce terrain, c’est une idée de droit.

Un chien voit un os dans la gueule d’un autre et ne se retient que s’il se sent trop faible. Mais l’homme respecte le droit de l’autre à son os. L’un agit en humain, l’autre en brute ou en « égoïste ».

Et comme c’est ici le cas, on agit en « humain » quand on voit dans toute chose son caractère spirituel, (ici c’est le « droit »), quand on fait de toute chose un fantôme, qu’on la traite comme un spectre que l’on peut en vérité mettre en fuite, mais non pas tuer. Il est humain de ne pas considérer l’individu comme individu, mais comme un être général.

Je ne respecte plus rien de la nature en elle-même, mais je me sais autorisé à tout contre elle ; en revanche, dans l’arbre de ce jardin, je dois respecter le bien d’autrui (dans un sens limité : « la propriété »), je dois en écarter ma main. Cela ne prend fin que si je puis céder cet arbre à un autre, comme je lui cède ma canne, etc…, mais à condition que je ne considère pas par avance cet arbre comme m’étant étranger, c’est-à-dire sacré. Bien au contraire, je ne me fais nullement un crime de l’abattre quand je veux et il demeure ma propriété aussi longtemps que je puis en écarter les autres ; il est et demeure mien. La fortune du banquier me paraît aussi peu le bien étranger qu’à Napoléon les