car l’État est pareillement une société et non une association, c’est la famille plus étendue (terre maternelle, enfants du pays, etc.).
Ce qu’on nomme État est un tissu serré de dépendance et d’attachement, c’est un tout homogène, un assemblement où les éléments combinés entre eux s’accordent, bref sont dépendants les uns des autres : l’État est l’ordonnancement de cette dépendance. Supposez que vienne à disparaître le roi dont l’autorité prête autorité à tous jusqu’au dernier valet du bourreau ; tous ceux cependant chez qui le sens de l’ordre serait éveillé, maintiendraient l’ordre contre les désordres de la bestialité. Si le désordre était vainqueur, l’État disparaîtrait.
Mais cette pensée d’amour qui rêve de nous accorder, de nous unir, de nous rattacher les uns aux autres est-elle réellement capable de nous gagner ? L’État serait ainsi l’amour réalisé où chacun existe et vit pour les autres. Devant ce sens de l’ordre, le caprice individuel disparaît-il donc ? N’est-on pas satisfait quand on a pourvu à l’ordre par la force, c’est-à-dire quand on a pris soin qu’un citoyen « ne marche pas trop près de l’autre », quand, par suite, le troupeau est intelligemment disloqué ou disposé ? Tout est alors dans « l’ordre le plus parfait », et cet ordre parfait s’appelle précisément l’État.
Nos sociétés et États sont, sans que nous les fassions ; ils sont rassemblés, sans que ce soit de notre fait, ils sont prédestinés et subsistent ; autrement dit, ils ont une constitution propre, indépendante, ils sont contre