Page:Stirner - L’Unique et sa propriété.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un néant et il ne peut pas faire, il ne peut pas même supporter ce qu’il appartient à l’individu et à l’individu seul de faire, sa mise en valeur. Tout peuple, tout État est injuste envers l’Égoïste.

Tant qu’il restera une seule institution ne dégageant pas complètement l’individu, il sera encore loin de vivre de sa vie propre et de s’appartenir réellement. Comment par exemple puis-je être libre si je dois m’assermenter à une constitution, à une charte, à une loi et me lier par serment, corps et âme, à mon peuple ? Comment puis-je proprement exister quand mes facultés ne peuvent se développer qu’autant qu’elles ne troublent pas « l’harmonie de la Société » (Weitling).

Le crépuscule des peuples et de l’humanité annonce mon aurore.

Écoutez ! au moment où j’écris, les cloches commencent à sonner pour, au jour prochain, annoncer la fête du millénaire de notre chère Allemagne. Sonnez, sonnez son glas ! Votre voix est solennelle comme si elle avait le pressentiment qu’elle accompagne un mort. L’Allemagne et les peuples allemands ont derrière eux une histoire de mille ans ; quelle longue vie ! Entrez donc dans la paix éternelle d’où l’on ne revient pas, afin que tous soient libres que vous avez si longtemps tenus enchaînés. Mort est le peuple ! — Bonjour moi !

Ô toi, mon peuple allemand si tourmenté, quelle fut ton obsession ? Ce fut l’angoisse d’une pensée qui ne peut se donner un corps, l’angoisse d’un esprit-fantôme qui s’anéantit au chant du coq et cependant aspire ardemment à la délivrance et à l’accomplissement. Aussi as-tu longtemps vécu en moi, chère pensée, cher fantôme. Déjà je m’imaginais presque avoir trouvé la parole qui doit te délivrer, avoir découvert un corps pour