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vie à verser le sang grec et meurt en pleine terre grecque, sous le fer grec. En mai 1848, on plante à Paris des arbres de la Liberté. M. Cavaignac père les abreuve en juin de sang français, — ils en pourrirent.

Faut-il donc bannir tout idéal ? Stirner ne nous l’impose pas. Il veut seulement transformer, renverser le rapport de l’individu concevant à l’idée. Il ne reconnaît pas à l’idée d’existence antérieure au sujet pensant. Donc considérons-nous comme créateurs et non comme créatures. Possédons et ne soyons pas possédés. Il ne s’agit pas de rejeter l’héritage des siècles. Les expériences douloureuses consignées dans l’histoire sont acquises. Il ne s’agit pas non plus de se mettre en travers des temps. L’idéalisme chrétien doit évoluer jusqu’au bout : « Le fanatisme ne pourra disparaître qu’après avoir épuisé l’existence et exhalé jusqu’au bout ses fureurs. »

Il y a simplement des malentendus à dissiper. Stirner fait appel à la fierté de chacun, il suscite toutes les forces de l’individu. S’il veut obtenir un résultat, ce n’est pas par « des lamentations et des pétitions » qu’il l’obtiendra, mais en l’exigeant. Le prolétaire n’a pas à jeter l’anathème sur le riche. S’il est misérable, c’est qu’il le veut, et il est directement responsable de sa propre servitude. Il est inutile de songer à des transformations sociales tant que les individus n’ont pas cette conscience. Si l’État, c’est-à-dire l’oligarchie qu’il recouvre, se trouvait en présence d’individus ayant conscience, son attitude serait autre. Le contrat qui nous lie à l’État ressemble assez à l’alliance de l’homme et du cheval. Seulement, c’est l’État qui est l’homme. Mais supposez que le cheval parvienne à la conscience, l’État se trouvera en mauvaise posture sur sa monture s’il veut user de ses procédés de la veille.

Trop longtemps les énergies individuelles ont été refoulées, et c’est l’explication de révoltes atroces. Quand le crime n’est pas une aberration pathologique, qu’il n’est pas « passionnel », il est certain que ce n’est pas seulement un intérêt malentendu qui a poussé le criminel ; il y a en lui une sorte de joie à rejeter le fardeau des lois, à se