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Les clameurs des libéraux en faveur de la liberté de la presse vont contre leur propre principe, leur volonté propre. Ils veulent ce qu’ils ne veulent pas, c’est-à-dire, ils désirent, ils voudraient bien. Mais ils font bien vite défection quand la liberté de la presse fait son apparition ; alors ils voudraient bien la censure. Naturellement ! l’État est toujours aussi sacré pour eux, les mœurs également, etc. Ils se comportent envers lui comme des marmots mal élevés, de rusés gamins qui cherchent à exploiter les faiblesses de leurs parents. Papa l’État doit leur permettre de dire maintes choses qui lui déplaisent, mais il a le droit d’arrêter d’un regard sévère leurs caquetages impertinents. S’ils reconnaissent en lui le papa, il faudra qu’ils se résignent à laisser le papa censurer les paroles de ses enfants.




Si tu te laisses donner raison par un autre, tu dois également te laisser donner tort par lui ; si ta justification et ta récompense te viennent de lui, attends aussi de lui l’accusation et le châtiment. Le juste et l’injuste vont de pair, le crime marche à côté de la légalité. Qu’es-tu ? Un criminel !

« Le criminel est le crime propre de l’État ! » dit Bettina[1]. On peut accepter cette parole, bien que Bettina ne la prenne pas absolument dans le sens actuel. Dans l’État, le moi délivré de toute entrave, le moi tel qu’il appartient à moi-même, ne peut atteindre à son développement, à sa réalisation. Tout moi est déjà de naissance un criminel contre le peuple, contre l’État. C’est pourquoi aussi l’État a l’œil sur tous, il voit en

  1. Dies Buch gehœert dem Kœnig, p. 376.