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mais cherchez-vous vous-mêmes, soyez égoïstes, que chacun de vous soit un moi tout-puissant. Ou plus précisément bornez-vous à vous reconnaître, à reconnaître ce que vous êtes réellement et laissez vos efforts hypocrites, votre tentative insensée d’être autre chose que ce vous êtes. Je dis efforts hypocrites parce que des milliers d’années vous êtes demeurés égoïstes, mais des égoïstes qui sommeillaient et se trompaient eux-mêmes, atteints de folie, héautontimoroumènes, bourreaux d’eux-mêmes ! Jusqu’ici aucune religion n’a pu se passer de faire des promesses pour au delà et pour ici-bas (une « longue vie », etc.). Car l’homme a l’âme mercenaire et ne fait rien gratis. — Mais « quand on fait le bien pour le bien » sans avoir en vue une récompense ? — Comme ci, même ici, dans la satisfaction qu’un tel acte procure, la récompense n’était pas contenue. Ainsi même la religion est fondée sur notre égoïsme et l’exploite ; calculée sur nos passions, elle en étouffe beaucoup d’autres pour une seule. Il semble que l’égoïsme soit déçu quand au lieu de me satisfaire, je ne satisfais qu’une de mes passions, par exemple l’instinct de béatitude. La religion me promet le « bien suprême », pour y atteindre, je n’apporte plus attention à aucune autre de mes passions, et ne les satisfais plus. Tous vos actes ne sont qu’un égoïsme inavoué, secret, couvert, caché. Mais parce que c’est un égoïsme que vous ne voulez pas vous avouer à vous-mêmes, que vous vous dissimulez à vous-mêmes, et ainsi ni manifeste, ni notoire, par conséquent inconscient, il n’est pas égoïsme mais servitude, service, abnégation ; vous êtes égoïstes et ne l’êtes pas en niant l’égoïsme. C’est quand vous paraissez l’être le plus que le mot « égoïste »