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et d’autant plus puissante qu’elle est plus individuelle ; car si elle n’était que la moyenne des volontés individuelles, elle serait quelque chose d’indéterminé, d’essentiellement fluctuant, indécis, et qui aboutirait à l’immobilité. Il a une volonté d’individu, parce que, derrière le concept État, il y a effectivement des oligarques en nombre déterminé qui lui donnent sa vie réelle.

En face de cet égoïsme, le mien se lève. L’État existe en soi et pour soi. Eh bien, je prétends aussi exister en moi et pour moi. À son absolu j’oppose mon absolu, comme je fais d’ailleurs pour tous les autres concepts qui prétendent m’asservir de la même façon. Il y aurait erreur cependant à assimiler Stirner aux anarchistes de notre temps, aux « propagandistes par le fait ». Ceux-là sont des idéalistes, qui vont droit devant eux, logiciens impitoyables de l’idée de justice dont ils sont « possédés ». Millière clamant sur les marches du Panthéon : « Vive l’Humanité ! » et tombant sous les balles versaillaises, Angiolillo, à l’heure suprême, criant sa foi dans une seule parole « Germinal ! » n’ont rien de commun avec le positivisme glacé de Stirner. Dans ces têtes il y avait l’aperception de germinations futures d’idées et de forces, il y avait l’idéal chrétien, l’Homme-Dieu, le Superhomme. Tandis que l’Égoïste est à lui-même son parti, sa patrie, son Être Suprême, son Humanité, etc.

Étant à moi-même mon État, je pratique la Raison d’État.

L’expérience ayant démontré, aux Princes, l’excellence du machiavélisme, comme il n’y a pas pour moi d’autre prince que moi, il va de soi que je lui emprunterai ses moyens d’action. Mais il n’est pas à craindre que je me précipite tête baissée contre la muraille de l’État : ce serait me ruer au suicide, ébranler peut-être l’État, mais pour d’autres qui viendraient après moi, or je ne connais pas les autres, je suis unique. Je ne m’inquiète que de moi-même. L’important à mes yeux, c’est de faire que cette muraille n’existe pas pour moi, je la minerai si je ne puis tenter l’assaut, ma préoccupation de tous les instants sera de manifester ma volonté et mon existence en tous sens. Si j’ai des forces suffisantes, je livrerai ouvertement le com-